Nervosité, n.f.: État d’excitation nerveuse passagère.
L’intro de Sunset Overdrive montre une bande de djeunz branleurs se trémoussant sur le mix d’un DJ du genre David tête à claques G. Ils participent à la « product launch party » de « l’Overcharge », nouvelle boisson énergisante de la puissante corporation Fizzco. Après avoir mis ses bras haut en l’air, pris des selfies en faisant des V avec ses doigts et s’être englouti des hectolitres de ce produit peu encourageant, la jeunesse de Sunset City se transforme en monstres hideux et agressifs et se mettent à courser le héros, punk sur les bords, qui ramassait les ordures. Tu me plais bien, intro.
Donc pour la faire courte, dans cette exclusivité Xbox One, la ville est envahie, les habitants sont tous devenus des toxicos en manque, ou sont mort ou se sont organisés en petits groupes de survie. Vous êtes un citoyen lambda qui a pour seuls atouts un humour acide, un sens du troll à faire pâlir Zyvon et une habilité à sauter partout, rebondir, courir sur les murs, se projeter en l’air et tomber sans jamais se faire mal, même du sommet d’un immeuble. Votre parcours va vous amener à rencontrer toute sorte de survivants qui vous confieront des missions dans le but de vous échapper de cette ville infestée. Celle-ci vous sert donc de terrain de jeu et fait office de monde ouvert, puisque vous pouvez vous y balader dans tous les sens et choisir de remplir des quêtes secondaires ou de dénicher tout un tas d’objets disséminés à droite à gauche. Vous l’aurez compris, le cahier des charges « monde ouvert » est rempli. Check! Tout est fait pour vous amener à aller vite. De l’attitude désinvolte du personnage, à l’architecture de la ville, en passant par le comportement des ennemis et les récompenses qui tombent si vous les éliminez avec style, tout doit filer, tout est nerveux, tout passe à 200 à l’heure. Même le jeu lui même se termine assez vite… Mais ne brûlons pas les étapes.
Avant de pouvoir vous élancer tel un petit cabri urbain, il va falloir créer son perso. La tête plein d’idéalisme, je me dis que je vais jouer une femme, au diable l’image du héros macho! Alors j’ai le choix entre deux statures, comme pour les hommes, et… hum d’accord, donc mon héroïne sera soit une planche à pain squelettique, soit une camionneuse robuste aux boobs énormes. Jolie vision de la femme… Je suis contre le cliché du mannequin, va pour la dame callipyge. Et marre du traditionnel héros caucasien, je choisi une couleur de peau noire, une coupe de cheveux qui en jette, des fringues qui définiront plus tard mon style vestimentaire comme « inexistant » et je lui affuble le prénom d’Aicha, ça lui va bien. Tout ça pour dire que tous les éléments à disposition seront modélisés dans toutes les cinématiques, mais n’auront aucune influence sur le gameplay. Par contre, le fait de choisir un homme ou une femme change la voix et je dois dire que le doublage français est plutôt bon! Les vannes ne sont souvent pas seulement traduites mais collent aussi à la culture de la langue.
C’est parti, les commandes se comprennent assez vite, il faut un peu d’adaptation pour savoir où on atterrit et ainsi mieux prévoir le prochain saut. On me donne des flingues, je dézingue des tas de zombies, je « grinde » les gouttières, je rebondis sur les voitures, j’explose d’autres « overdosés » en plein saut, c’est plutôt jouissif, surtout quand je me rappelle que ces immondices étaient précédemment de jeunes demeurés. Je fais la connaissance des « scrabs », une espèce de gang post-apocalyptique qui essaye de contrôler la ville par la force. Je croise aussi d’autres factions survivantes avec qui je vais devoir collaborer. Plus je croise des rescapés plus je me dis qu’ils souffrent tous d’un symptôme dit de « modélisation Kinect Adventures« , mais les dialogues sont bien crétins et bourrés de références geek, alors je passe l’éponge. N’oublions pas que c’est le studio Insomniac Games, déjà à l’origine de la saga Ratchet & Klank, qui est derrière et leur sens de l’humour fait à nouveau mouche. Je dois aussi dire un mot sur la musique qui fait la part belle à de nombreux morceaux de punk rock tout à fait sympathique. Ce n’est pas aussi fluide et rapide que ce que j’attendais, mais c’est plutôt marrant! Direction prochaine quête!
Et là c’est le drame. L’objectif « va retrouver Bouby Lapointe aux docks » succède à « élimine tous les overdosés de la place », puis « retourne au QG » avant de « va effacer la menace scrab au supermarché »… Arg, que c’est répétitif. Autant défoncer des infestés c’était l’éclate, que les scrabs sont une vraie plaie avec leurs flingues. Toutefois, soyez rassuré/e, monsieur/madame casual, vos morts ne pénaliseront absolument pas la suite de l’aventure, vous réapparaîtrez simplement un peu plus tôt ou plus à l’écart. Ce qui me fait penser à une petite anecdote un brin dérangeante que je ne résiste pas à vous conter: Lors d’une mission je devais empêcher un événement d’arriver dans un temps limité (je vous spoile pas trop), ce que je n’ai pas réussi à faire. Le chargement s’est donc lancé automatiquement pour me renvoyer 5 secondes en arrière, juste au moment de ma débâcle. J’ai donc assisté à une boucle continue entre chargements et écrans d’échec. Mais voui, je vais tout reprendre, obligé. En remplissant ces objectifs, je débloque des « badges » qui me permettent de créer des « rushs » afin de modifier les compétences qui… Non, attendez, c’est pas ça. Avec suffisamment de « rushs », on a de meilleurs armes… Non, on peut modifier une fois milles compétences, mais on ne peut pas mettre milles badges dans un… Non. Milles armes, mais pas un… Bref, le système de compétences se veut tellement #yolo qu’on y comprend rien et on fini par faire tout le jeu avec trois armes délirantes (dont celle qui lance des nounours explosifs, rien que pour leurs petits cris), mais sans trop se soucier de la courbe de progression.
Comme je le disais précédemment, la ville est vraiment cool, pleine de choses à explorer, mais on s’en fout, on ne sent pas concerné, on trace tout droit, on évite même les affrontements (les scrabs, quelle plaie, je l’ai déjà dit?). Les objectifs toujours indiqué par des grosses icônes et si, d’aventure, le chemin devait être bloqué, « trouver un autre chemin » se limite à suivre un nouveau marqueur. J’avoue avoir laissé tomber rapidement les quêtes secondaires, tant les premières étaient de type « fedex ». Une fois le saut qui permet d’avancer verticalement en l’air débloqué, on s’éclate à enchainer les cabrioles, mais ça ne sert finalement qu’à aller du point A au point B. Après plusieurs points B, c’est vrai qu’on a souvent droit à une scène plutôt épique (affrontement d’une mascotte volante psychotique sur fond de gros dubstep de bâtard, poursuite d’un train à toute berzingue en surfant sur les rails, la séquence finale « à l’ancienne », etc.). Mais ensuite, retour au point A (le QG) et aucune envie de faire du tourisme et fouiller minutieusement pour trouver les objets cachés un peu partout. Si l’agilité du personnage rendrait jaloux n’importe quel Altaïr/Ezio/Batman, on est plutôt en face d’un Tony Hawk, sous acide, avec des putains de flingues qui font pouet.
Sunset Overdrive est donc plutôt fun mais à force de trop vouloir pousser à la nervosité, on en vient à créer un hyperactif qui ne fait rien vraiment comme il faut. Il est évident qu’Insomniac Games s’est fait plaisir en programmant un jeu exubérant, avec la musique qu’ils aiment certainement écouter dans leurs bureaux et pour ça je suis respectueux. La vidéo d’intro dont je vous parlais au début de cet article montre également le personnage jouant à Sunset Overdrive, sur son natel, en se plaignant de son boulot de merde. L’ironie est palpable, mais n’est pas jusqu’au-boutiste. On comprend bien l’idée de vouloir se moquer de son propre média, de son industrie et de la surconsommation de certains de ses clients, mais si on se rappelle que des cannettes d’Overcharge étaient distribuées sur le stand du jeu à la Gamescom, on obtient un effet « Rockstar »: critiquons un système mais profitons en bien quand-même, Bitches. Erreur du service marketing qui n’a pas compris le jeu ou sarcasmes éhontés? Je suis trop nerveux pour y répondre.
Note: 5 eaux gazeuses sur 10.