L’ombre d’un doute [Assassin’s Creed Shadows]

Vous aviez vu cette photo prise dans le métro de Paris, sur laquelle on voyait l’affiche du film Baby Girl avec Nicole Kidman avec l’accroche « Le meilleur film de l’année » et quelqu’un avait écrit avec gros marqueur à côté « Calmez-vous, on est en janvier » ? J’adore cette photo. J’ai envie de la sortir tout le temps.

Alors est-ce que Assassin’s Creed Shadows est le jeu de l’année? Alors là, aucune idée. Calmez-vous, on est en mars. Sauf si vous parlez de l’année fiscale, celle qui ne pardonnera probablement rien à Ubisoft. Calmez-vous aussi, je sais que vous trépignez d’impatience. Cependant, cet article n’est pas encore notre test du jeu. Restez quand même jusqu’au bout, svp, c’est pour faire plaisir à l’algorithme de Google. Le test arrivera prochainement. Ni en retard ni en avance, mais précisément à l’heure prévue. C’est à dire quand on aura joué suffisamment pour se faire une vraie idée. Pour le moment, j’en suis à six heures environ et ce n’est probablement pas assez. Avant de vous livrer mon avis, j’avais envie de parler de la sortie du jeu elle-même.

 

Assassin's Creed Shadows décors

Crises internes et externes

Ce n’est un secret pour personne, Ubisoft ne va pas fort depuis quelques années. Entre les délires mégalomaniaques de la direction (« OUAIS LES NFT, CÉ TROP BIEEEN et on va faire des jeux AAAA, c’est le futur »), le « Ubi-bashing » ou les commentaires idiots d’une partie du public qui fait beaucoup (trop) de bruit (« Je vais pas jouer à Star Wars Outlaws, quand même, le personnage est une femme et j’aime pas sa coupe de cheveux #Boycott #MaisFermeTaGueule »), les pseudo polémiques à répétition dont les responsables de communication ont du mal à se dépêtrer.

Mais surtout des décisions étranges qui laissent transparaître une difficulté à se réinventer tout en satisfaisant TOUT le monde (spoiler, en fait on peut pas), des budgets faramineux pour des projets qui prennent l’eau (so long, Skull & Bones) et cerise sur le gâteau breton, des dénonciations de conditions de travail qui font froid dans le dos (scandale de harcèlement moraux et sexuels traités par la justice en ce moment).

On me signale d’ailleurs dans l’oreillette que certaine polémique autour du jeu, ne sont pas uniquement le fait de trolls. Le jeu aurait ainsi lancé un vrai débat universitaire au Japon autour de la définition du « samouraï ». Merci Cygurd pour la réf à Sumimasen Turbo.

 

Assassin's Creed Shadows deux personnages

Dallas, en Bretagne

C’est donc pas la monstre joie du côté de la compagnie française. Malgré une place parmi les leaders du marché, l’ombre d’un rachat intégral ou partiel par un investisseur externe plane. Des noms comme Tencent, Microsoft, EA circulent parmi les rumeurs de couloirs, si invraisemblables soient-elles. C’est dans ce contexte pas du tout anxiogène, qu’Ubisoft lance le jeu de tous les dangers, celui qui sauvera la boîte ou signera son arrêt de mort (fiscale): Assassin’s Creed Shadows.

Ce climat donne l’impression que quoi que fasse le studio, ce sera de toute façon mal vu. On en revient à l’idée du bashing, gnin-gnin-gnin parce que c’est Ubisoft c’est pas bien. Bien évidemment, ça ne tombe pas de nulle part et sortir des Far Cry et des Assassin’s Creed jusqu’à la saturation n’était pas une bonne idée, c’est clair. Mais en parallèle, existe aussi la potentialité d’un Prince of Persia: The Lost Crown, tout bonnement excellent, décoré de mentions, mais boudé par les ventes. C’est à n’y rien comprendre, y a plus de saisons.

 

Assassin's Creed Shadows suivre

Chacun sa croix, chacun son assassin

À ma question « Qui est chaud pour tester Assassin’s Creed Shadows ? », l’ensemble de la rédaction s’est regardé les chaussettes en prétextant un article sur Stellar Blade à terminer (la semaine prochaine), une élection cantonale à gérer, des figurines à peindre, des travaux écrits à corriger, des planètes alignées à observer, un nouveau job à apprivoiser, etc. C’est donc en râlant sur le petit personnel compétent qui n’existe plus que j’ai lancé le jeu envoyé par Ubisoft quelques jours avant la commercialisation. On sent que le nom ne fait plus frémir grand monde, même si les fans hardcores dans le public sont prêts à prendre congé pour la sortie. Chez nous, Zyvon et Zorglub avait respectivement qualifiés Valhalla et Mirage de « pas mauvais, mais moins bon que Odyssey » et « très beau mais trop répétitif, laborieux et imprécis. » (les Z ne sont pas tendres, dis donc).

 

Assassin's Creed Shadows panorama

Mais il va finir par nous parler du jeu oui, ou quoi?

Rarement, j’ai eu l’impression qu’un jeu pouvait avoir un tel impact. Non pas sur la culture du jeu vidéo, mais sur son industrie. Cette sortie est attendue, scrutée, surveillée. Les marchés sont aux aguets. Ce 18 mars tombe l’embargo sur les tests. Le cours de l’action Ubisoft ne semble pas avoir « beaucoup » bougé pour le moment (en baisse de 6%) et le score total de Metacritic est de 81, ce qui est bien mais pas top.

Il demeure une impression que c’est sur Assassin’s Creed Shadows que va se jouer l’avenir d’Ubisoft. C’est un sentiment très étrange que d’imaginer une compagnie entière dépendre des mots que je vais écrire. Bon OK, peut-être pas des miens directement, même si vous êtes des centaines de milliers à nous lire avidement. Jouer à ce jeu prend une teneur particulière aussi, que probablement la majeure partie du public ne percevra pas, puisqu’il s’agira d’un énième produit de consommation.

Je me sens emprunté; j’ai à la fois très envie qu’Ubisoft évolue, sorte de son marasme, ose faire des jeux sans vouloir à tout prix plaire à tout le monde et prenne des risques. En même temps, j’imagine le stress que doit représenter ce 18 mars et surtout le 20, date de la sortie officielle du jeu pour tous les gens qui ont bossé dessus, ou celles et ceux des départements annexes également touchés par cette actualité. Ça ne m’empêchera pas pour autant de souligner ce qui n’irait éventuellement pas et ce qui devrait changer.

 

Ubisoft Shadows cinématique

Sérieux, il va vraiment rien nous dire sur le jeu?

Calmez-vous, on est au dernier paragraphe. Pour le moment, j’y ai joué six heures et je trouve la proposition intéressante. Particulièrement le monde ouvert qui semble bien plus organique et non plus une carte que l’on ouvre pour mettre un marqueur sur le prochain endroit à visiter. Ceci renforce mon envie d’explorer. J’ai trouvé le début très très lent, avec un rythme cassé par beaucoup de cinématiques (de fort bonne facture, s’il fallait le souligner). C’est au bout de trois heures que j’ai commencé à me sentir embarqué par le jeu. Les personnages ont l’air moins manichéens, ce qui est prometteur également. Tout comme la fluidité des mouvements et le dynamisme des combats.

 

Assassin's Creed Shadows lame

 

La cadre du Japon du XVIe siècle et sa culture ne représentent pas un univers qui me parle spécialement, mais je reconnais qu’Ubisoft a su s’en servir pour insuffler un charme indéniable. En discutant avec Grégoire Barbey du journal Le Temps (abonnez-vous à son podcast IA qu’à m’expliquer, c’est très bien), qui cumule le double de mes heures de jeu, il reconnaît à Assassin’s Creed Shadows des efforts sur la narration, la mise en scène et l’écriture de Naoe (le personnage ninja féminin que l’on incarne majoritairement au début), même si le fil rouge semble assez convenu. Il insiste également sur le fait que c’est toujours trop long, trop de choses à faire, surtout si on est complétionniste.

La boutique de microtransaction pour acheter des armes supplémentaires me donne de l’urticaire. Les bonus de précommande sont en mode full « l’important c’est que les gens l’achètent, pas qu’ils y jouent ». Avoir délié les cordons de la bourse avant la sortie du jeu donne accès à des armes et des missions exclusives. Ce qui est absurde, mais tente de justifier au maximum cette dépense inconsidérée.

 

Assassin's Creed Shadows2025-3-19-0-4-0

😓

 

Disparition ninja

Assassin’s Creed Shadows est bien parti pour un être un bon jeu, mais pas révolutionnaire. Actuellement, je trouve l’analyse du contexte de sa sortie plus intéressante que le jeu lui-même. Ça doit être mon côté patron, ça. Ce qui est rassurant, c’est que les jeux ont été envoyés relativement tôt pour que les journalistes se fassent une opinion plus aboutie avant la sortie (ce qui est plutôt rare ces temps) et que l’embargo se situe deux jours avant le lancement. En règle générale, ce sont plutôt des indices de la confiance d’un studio en son produit. C’est plus inquiétant lorsque le délai est fixé le jour même de la sortie, par exemple.

Sur ce, on ne le répétera jamais assez: ne précommandez pas vos jeux, attendez les tests, n’achetez pas le jour de la sortie car des baisses de prix sont à prévoir rapidement et les patches corrigent les problèmes. Et bon courage aux employés d’Ubisoft, on sait ce que vous pouvez nous fournir. Rappelez-vous qu’une crise n’est qu’une étape de transition entre deux états stables. Et moi je vais jouer suffisamment pour écrire un test, prochainement.

 

Calmez-vous on est en janvier

 

Et on termine par cette superbe promo au 36e degré par la division Brésilienne, dont Chanel Kitano m’a aimablement glissé le lien. Enjoy.

 

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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