On me demande régulièrement quel jeu recommander comme alternative à « ceux-où-on-fait-que-de-se-tirer-dessus ». Je suis toujours tenté d’expliquer qu’on ne fait jamais que ça dans un jeu, mais là n’est pas la question. Car j’ai la réponse idéale : le point and click.
Souvent moqué avec facétie par mes collègues joueurs, ce typede jeu continue pourtant de me passionner. Les caractéristiques de ce style représentent ainsi une excellente porte d’entrée pour initier les enfants aux jeux vidéo [NDTeiki: et puis quoi encore, une petite messe satanique après ça ?]. Nous sommes à mi-chemin entre le livre et le jeu vidéo plus nerveux. Le nom « point and click » définit le fait que l’on point des éléments avec lesquels on souhaite intervenir à l’aide du curseur de la souris. La plupart du temps, il y a passablement de dialogues à lire, mais surtout d’énigmes à résoudre, en combinant des objets. Encodya est donc un digne représentant du genre.
Lorsque l’on considère le jeu vidéo comme une activité à partager, particulièrement avec ses enfants, les points and click représentent une excellente occasion de jouer ensemble. La large présence de texte (souvent doublés par des acteurs), la ressemblance avec les histoires que l’on se lit est vite trouvée. Même si une seule des deux personnes contrôle le héros en utilisant la souris, la réflexion sur la suite des opérations et la résolution d’énigmes peut parfaitement se faire à deux.
Sam & pas Max
Le jeu que je vous recommande ce mois-ci s’appelle donc Encodya et propose justement d’incarner un duo. On y contrôle Tina, une petite fille de 9 ans, et son robot-nounou, Sam. Dans une ville de Neo-Berlin futuriste, elle devra mener une enquête qui va la conduire sur les traces de ses parents disparus.

Il y a plus de cent décors à explorer, avec une mise en scène soignée. Regardez-moi cette profondeur de champ.
Les environnements explorables sont superbes et s’inspirent à la fois de l’esthétique de Blade Runner et des productions animées des studios Ghibli. Malheureusement, il faut se contenter pour le moment de la version anglaise, mais l’intrigue est suffisamment bien écrite pour que l’on arrive à la suivre (pratique d’avoir un parent pour traduire à côté, non?). L’intérêt d’Encodya réside surtout dans le fait de pouvoir alterner entre les deux protagonistes et faire appel à leurs compétences respectives. Le robot sera, par exemple, utile pour dialoguer avec une machine ne s’exprimant qu’en code binaire.
Emprunt de poésie, d’humour et de suspens, Encodya est le genre de production que l’on aimerait rencontrer plus souvent. Le partage parents-enfants ne se fait alors pas seulement pendant l’activité elle-même, mais aussi durant les passerelles qu’elle permet de créer. Que ce soit simplement en réfléchissant ensemble le lendemain, après avoir buté sur une énigme et quitté le jeu, ou en explorant ensuite d’autres univers similaires ensemble (BD, film, dessins, etc.). En toile de fond de l’histoire, il est d’ailleurs ironiquement question de gens ayant du mal à dérocher des mondes numériques.

« C’est celui qui dit qui y est. » Personne ne semble s’inquiéterqu’une gosse de 9 ans enquête dans les rues…
Jeu à clics
Maintenant, si vous le permettez, ou pas c’est un peu pareil, finalement, je vais m’adresser aux connaisseurs.
Encodya a du charme. Il est développé par un petit studio estonien, Chaosmonger Studio et dirigé par un type un peu allumé, Nicola Piovesan. Cet italien vient du cinéma et ça se sens notamment dans le soin apporté à l’animation des personnages. Je reconnais que le scénario est un peu convenu, mais se termine d’une façon qui peut être comprise de deux manières, selon moi. Furtif, mais je vous laisse soin de découvrir.
« C’est produit par des allemands ton jeu-là« , me demandait Marsouin d’un ton teinté de scepticisme (dite le trois fois très vite), lors de notre podcast du mois de février. C’est qu’on en a vu des point and click teutons de piètre qualité ces dernières années. Mais ici l’écriture est efficace, les dialogues bien doublés (à une ou deux exceptions près) et les personnages attachants. Encodya pose son ambiance et dans la période que l’on vit, elle arrive à être apaisante juste ce qu’il faut.
L’âge de raison
La communication du jeu affiche fièrement une dimension procédurale dans les énigmes. Comprenez que les objets ne seraient pas toujours au même endroit d’une partie à l’autre, permettant ainsi une re jouabilité. J’utilise le conditionnel parce que j’ai relancé une partie après avoir terminé une première fois et je n’ai pas vraiment pu constater de changement dans les premières énigmes. Peut-être que ça vient plus tard?
Dans tous les cas, Encodya n’est pas un jeu facile. Les énigmes risquent bien de vous faire sécher, surtout si vous jouez en mode « difficile », sans indice. En revanche, leur résolution suit toujours une logique irréprochable. Pas de « utiliser Sam avec le tableau électrique », par exemple. Ici, si vous cherchez un fusible, il sera rangé dans une boîte à fusible. J’ai succombé quelques fois à la fameuse technique d’essayer tous les objets de mon inventaire aléatoirement jusqu’à tomber sur la bonne combinaison. A chaque fois, je me suis rendu compte que la solution était pourtant cohérente. Seul bémol,parfois certains objets, au demeurant joliment dessinés, ne ressortent pas bien dans les décors. On transforme alors le jeu en Où est Charlie en scrutant son écran. Un peu dommage, mais défaut léger.
Dépêchez-vous d’y jouer, les beaux jours reviennent et les point and click sont toujours meilleurs avec une tasse de thé quand il pleut dehors.
Note: 9 dystopie sur 10.
Disponible sur PC, Mac et Linux. Une démo est téléchargeable sur Steam.