Arriver comme la grêle après les vendanges c’est, avec les jeux de mots pourris, une spécialité de Semper Ludo reconnue loin à la ronde. En général, ça ne porte pas trop à conséquence (quoique pour les jeux de mots…), mais lorsqu’il s’agit de parler d’un bestseller comme The Witcher 3 : Wild Hunt des Polonais de CD Projekt RED , il est bien compliqué de se mettre à écrire quelque chose de différent de ce qui a déjà été fait. D’un autre côté, comme tout le monde y a sans doute déjà joué, personne ne lira surement cette bafouille (à part Founet, loué soit son nom, bien sûr) et je peux me permettre d’être encore plus mauvais que d’habitude… Comment ça non ?
Commençons par un bref rappel. The Witcher est une trilogie de jeu d’action-aventure, avec quelques menus aspects empruntés aux jeux de rôle, dans lesquels vous incarnez Geralt z Rivii (Geralt de Riv en bon françois dans le texte), un witcher (un sorceleur dans la langue de Céline Dion). Mais kézako que cet animal me diriez-vous si vous lisiez ce texte ? Il s’agit d’un humain, tueur professionnel de monstre, qui possède un certain nombre de pouvoirs surnaturels provenant de mutations. Ces dernières se sont développées par l’ingestion d’une décoction spéciale qui, si elle ne tue pas le buveur, le transforme en bête de guerre.

Le soleil se lève sur un nouvel épisode du sorceleur ou se couche sur la trilogie. A vous de choisir ce qui vous plait le plus.
Notre ami Geralt vit ses aventures dans un monde de « dark fantasy » où le quotidien du commun des mortels se déroule entre mal et pas bien, malgré ou par l’intervention de votre serviteur. C’est un contexte adulte, crade et triste. Voire carrément pessimiste. L’être humain est mauvais donc la vie ça va être de la merde. Même moi je ne suis pas aussi misanthrope que l’écrivain Andrzej Sapkowski qui a créé ce monde, c’est dire. Mais ça marche, on se laisse prendre et ce depuis The Witcher premier du nom. C’est ce cadre si complet qui fait toute la saveur de l’univers du sorceleur. Ceci a ainsi toujours permis de pardonner les diverses maladresses de gameplay ou de réalisation à la série.
Et alors The Witcher 3 ? Pareil ? Mieux ? Moins Bien ?
Bon alors pour couper court à tout suspense, oui, malgré ma mauvaise foi crasse, mon horreur du conformisme populaire et mon amour de la marginalité, je dois reconnaitre que je suis du même avis que la vaste majorité. Je trouve The Witcher 3 extrêmement bon. On tient ici un jeu abouti, cohérent, polishé (polishe – polish lol) mais surtout, surtout fort bien écrit.
CD Projekt RED a décidé de faire de ce numéro 3 un monde ouvert, c’est réussi également. Il est beau, extrêmement vaste, possède une ambiance soignée et tient parfaitement débout porté ces deux jambes que sont sa cohérence et sa crédibilité. On évolue vraiment à l’intérieur tant l’immersion est subtilement provoquée par foule de détails. Les personnages et les monstres y vivent et interagissent de manière plutôt vraisemblable, à la manière d’un Far Cry, mais sans la surenchère de ce dernier. L’impact et l’intégration du sorceleur s’inscrivent également de manière homogène dans cet environnement réaliste. Il est relativement seul, il ne sauve pas le monde, il interagie avec lui en essayant de le laisser plus propre en sortant, mais avec des conséquences pas toujours prévisibles. L’histoire est assez commune avec peu de rebondissement mémorable. Mais ce n’est pas grave car la qualité des dialogues, le jeu d’acteur des personnages et la justesse du ton offre au joueur une expérience vidéo-ludique complète. C’est bien simple, on tient là une œuvre. Comme un très bon livre, un grand film ou un tableau de maître. Oui, à certaines occasions, le jeu peut se faire art.
Certes, The Witcher 3 n’est pas exempt de défaut : Geralt nage comme un caillou et se meut avec une inertie surnaturelle qui rend les combats et les déplacements souvent assez bizarre (on va dire). Les menus sont une insulte au bon sens (qui a dit « consoleux »?). Les actions à cheval (déplacement comme combat), bien qu’étant plutôt bonnes, peuvent s’interrompre tout soudainement, si un gravier ou une branche d’arbre bloque la hitbox du canasson de manière un peu différente de ce que le jeu attend, provoquant parfois des situations tragi-comiques. Le système de quêtes à niveaux, pourtant bien pensé (le jeu vous indique si vous êtes trop ou pas assez balaise pour chaque mission), s’avère finalement assez frustrant : une quête ne rapportera pas d’expérience si vous êtes d’un niveau trop supérieur à celui requit pour l’accomplir. Pourquoi pas. Mais un problème survient quand on se rend compte que la quête principale donne énormément d’expérience et provoque une montée en puissance énorme qui rend assez vite obsolète (sur le plan de l’XP) une bonne partie des quêtes secondaires.
Un poil plus grave encore, une bonne partie des choix fait dans le jeu n’ont que peu d’impact sur le déroulement de l’histoire. Ma fois, c’est peut-être une concession normale à faire pour permettre une cohérence d’écriture. La liberté d’évolution (dans le sens du développement du personnage) autre mamelle traditionnelle du jeu de rôle est aussi réduit à une portion que je qualifierais de frugale. Mais là encore, c’est un mal pour un bien. A mon sens, il est en effet difficilement possible d’intégrer si bien un personnage dans son univers si on laisse trop de liberté « d’être » à ce dernier. Car on tient avec Geralt un vrai personnage, une gueule, une figure avec son charisme propre, loin d’un Dragonborn pâlot ou d’un commandant Shepard générique (Note de moi-même : ne vous méprenez pas, ce sont également de très bons jeux, mais ils ne poursuivent pas les mêmes buts en matière d’immersion).
Quoi qu’il en soit, j’ai pris et je continue de prendre mon panard à pourfendre du monstre, à compter fleurette à la fille de joie locale et à jouer aux cartes dans tous les tripots possibles. En effet, il n’est pas rare de ce perdre dans ce jeu, de décider de rester un moment dans ce petit hameaux pour aider les villageois à occire le démon qui mangent les jeunes filles du village, puis de passer quelques heures dans la taverne locale plutôt que d’accomplir votre mission principale…
Si je devais conclure en trois mots (et demi) ?
Merci CD Projekt RED!
10 troussages de magiciennes /10
« jouable » (…) aussi sur PS4 et Xbox One