Typique, dès que les beaux jours reviennent, telles les primevères, les motards réapparaissent sur les routes. Parce que c’est « soi-disant dangereux », j’ai revendu mon destrier. Je me console un peu en parcourant les plaines de l’Oregon dans Days Gone. C’est vrai que c’est dangereux, tous ces zombies qui traînent sur le chemin. Peut-être qu’il faudrait que je vous recommande une autre activité printanière.
Prenez le patchwork par exemple, ça, c’est pas dangereux. Vous pouvez y aller franco, pas de risques, pas de soucis. Vous piochez dans des tas d’autres travaux de confection, vous choisissez ce qui vous plaît, vous découpez et vous recousez le tout ensemble pour un résultat selon ce que vous souhaitez exprimer. En plus, c’est reposant, pas besoin de trop utiliser sa créativité, tant que vos coutures sont solides, votre couverture jouera son rôle à merveille. Par contre, je me souviens plus d’où me vient cette idée de vous parler de patchworks.
Road trippes
Days Gone est la nouvelle exclusivité de la PS4 de Sony, qui poursuit ainsi la tradition de proposer des jeux solos d’envergure. Les deux précédents étant God of War et Marvel’s Spiderman. Cette réalisation a été confiée à l’interne chez Sony, via les équipes de Bend Studio, plutôt habituées à des jeux de seconde zone. On se souviendra néanmoins avec émotion de leur titre Syphon Filter sur PS1 (et un peu moins de ceux qui ont suivi). Mais ils sont basés en Oregon, alors cette incursion sur leur terre doit leur tenir particulièrement à cœur.
On y dirige Deacon St-John (incarné par Sam « Le pouvoir de la Force » Witwer), biker membre d’un MC (Motorcycle Club). Il doit se dépatouiller comme il peut dans un monde « post-apo », peuplé de zombies (des « mutants »), de gangs qui se divisent la région en camps et territoires, de militaires qui semblent cacher quelque chose et avec la nature qui a « repris ses droits » ©. « Deek » passe donc d’un petit boulot à un autre, en pleurant la mémoire de sa femme disparue, en attendant de pouvoir prendre la route du Nord pour s’échapper de tout ce fatras.
Lorenzo Amasse
Les petites routes de campagne et les patelins paumés de l’Oregon représentent donc un terrain de jeu à explorer au guidon de sa Harley qu’on pourra personnaliser en la bricolant, après avoir ramassé des pièces éparpillées un peu partout. Days Gone propose donc des mécaniques de survie et de fabrication d’objets. L’instinct de McGyver pousse alors à fouiller les maisons abandonnées, en évitant de tomber sur une Horde, sous peine de devoir s’échapper promptement avec quelques sueurs froides.

Le mixage du son (que vous ne voyez pas sur cette image…) est un peu bancal: certaines répliques ont été enregistrées pour être déclamées sur la moto. On a donc parfois un Deek qui hurle à quelques centimètre de son interlocuteur quand il est à pied. L’enregistrement des cris des mutants a dû être bien marrant à faire aussi. Gruiiiiic.
Bien entendu, en parallèle à l’histoire principale, on se lancera dans des quêtes secondaires qui sont, soit assez répétitives et que j’ai vite laissé tomber. (Nettoyer les nids de zombies ; pénibles à trouver et n’influençant que très peu la suite de l’aventure, puisqu’il suffit de rouler à toute allure pour les éviter). Soit un peu en « décalage » avec le caractère du personnage (aller éliminer un camp ennemi, juste parce que le héros dira à voix haute « un ramassis de violeurs et de meurtriers, je ne peux pas les laisser vivre »). Beaucoup de justification et d’explications sont d’ailleurs énoncées intelligiblement par Deek. A en faire parfois regretter le fameux mutisme de Gordon Freeman.

C’est peut-être mon côté hippie qui se développe plus avec le temps (ou le fait d’avoir vu des monuments comme le film La Route), mais j’ai tendance à mettre plus de nuances dans un contexte dans lequel chacun tente de survivre.
« Avez-vous l’impression d’être en terrain connu ? », pourrait annoncer l’office du tourisme de l’Oregon. « On s’y sent comme à la maison ». En effet, Days Gone est un véritable mélange de tout ce qui marche dans les jeux actuels. Le monde ouvert et les longues routes dans la nature (Red Dead Redemption 2), les camps à délivrer (Far Cry et Assassin’s Creed), le cadre post-apo et les zombies (Last of Us, Walking Dead, Dying Light), l’exploration, la durabilité des armes et la gestion du bruit (Breath of the Wild), le choix de l’approche fugitive ou frontale (Hitman, Tomb Raider, etc), une «vision à l’instinct» pour repérer les objets et les ennemis (Assassin’s Creed, encore). La narration par le truchement des dialogues radio (God of War), und so weiter.

Les sauts, l’eau, ou les gencives de zombies qui se coincent dans le carbu endommageront la moto qu’il faudra réparer avec de la ferraille.
Je n’ai besoin de personne en jouant à Days Gone
Bend Studio joue donc la carte de la sécurité. Son cocktail fonctionne bien et Days Gone est plutôt plaisant à jouer. Même si le niveau d’écriture de l’histoire et des personnages n’est pas des plus fins, on se laisse volontiers balader au gré des mésaventures du routard au grand cœur. Je n’ai pas encore tout à fait fini le jeu à l’heure d’écrire ces lignes, il doit me rester moins d’un tiers, mais j’ai envie d’en connaître le dénouement. En revanche, cette approche fait de Days Gone un produit « convenu » et sans réelle saveur. Un jeu qui tient la route (haha, rapport à la moto, voyez ?), mais qui ne saurait se glisser entre vous et votre pile de jeux que vous n’avez pas encore terminés. Sans être mauvais, il trouvera plutôt sa place dans votre console lors d’une offre spéciale d’ici quelques mois.
Note: 7 blousons en cuir sur 10.
Avec ses airs de jeu Mad Max (pour ses mécaniques) mélangé à The Last Of Us (pour le setting et les personnages), Days Gone n’apporte à première vue pas grand-chose de nouveau. Cependant, il cache bien son jeu et mêle très bien narration et exploration. Il évite aussi les raccourcis classiques à la GTA comme les dialogues interminables d’un point A à un point B et préfère plutôt jouer de sympatoches cinématiques. Ce qui n’est pas pour me déplaire. Le jeu n’hésite évidemment pas à vous balancer à la tronche tout le bouzin habituel des open-world (tu vas les libérer ces camps oui ou merde ?!), mais il le fait assez bien. Ne vous méprenez pas, c’est aussi un survival. Le combat est difficile et vous ne voulez pas vous retrouver submergé d’ennemis, les munitions sont (relativement) rares et il faudra crafter à tout va. Sans véritablement innover, de manière maladroite, Days Gone a quand même su me charmer grâce à son ambiance très réussie et son histoire qui se développe petit à petit. Notons toutefois les trois minutes de chargement (montre en main), même si le jeu est ensuite très fluide et les transitions sont rapides.
https://www.youtube.com/watch?v=eyd7k2iVkNQ